Extraits du rapport

Sébastien Vidal écrit sur Facebook ce matin : 

Rapport atterrant... pas un mot sur le public du jazz, rien... Qui est il ? son âge, ses envies, ses besoins ? RIEN. On parle de l'offre, JAMAIS de demande. Même pas une ligne sur la nécessité d'avoir un public et comment le séduire (oooo le vilain mot). Pas un mot sur internet et les nouveaux moyens de diffusion de la musique. Rien sur l'absence de projet artistique, sur le besoin d'exigence. Tout le monde doit pouvoir enregistrer son projet (quelle démagogie !!) et le défendre sur scène (même devant personne). Rien du tout sur le secteur privé et la nécessité de trouver de nouveaux modèles. Rien sur l'importance de la viabilité des projets, en dehors de la subvention point de salut !!! et ben. Tout ça pour ça. C'est assez fort je dois dire. Voilà donc un rapport rédigé par le service public pour le service public, qui préserve le "statu quo" mis en place il y a 25 ans, ces même "process" qui ont crée la situation. Allez. On respire et on passe (très vite) à autre chose.

• Pas un mot sur Internet, vraiment ? Je cite le rapport :

Le marché du numérique ne s’est pas encore développé dans des proportions telles qu’il puisse combler les pertes occasionnées par la chute des ventes physiques et les labels réduisent considérablement le nombre de références qu’ils mettent sur le marché. Ce phénomène, couplé à la diminution du marché du marketing, entraîne une cruelle perte de visibilité pour le jazz et les musiques improvisées.

Plus loin : 

Face au développement encore trop faible de la distribution numérique, il convient d’adopter des stratégies qui portent sur la vente du disque aussi bien en format fichier que dans sa forme physique. Autrement dit, il n’y a pas deux stratégies qui s’opposent, la distribution numérique vs la distribution physique, mais bien deux marchés à investir de front en imaginant de nouveaux lieux de distribution (librairie, théâtre, vente directe sur les lieux de concert).

Et encore :  

Veiller à ce que les grandes plates-formes internationales de téléchargement ne reproduisent pas une situation de monopole sur la distribution numérique similaire à celles des grandes surfaces spécialisées sur la distribution physique, qui avait condamné tout un réseau de disquaires indépendants. Pour cela, il convient de valoriser le travail de distributeurs numériques

Enfin ; 

L’offre s’est également développée sur Internet avec l’émergence de webzines et de blogs qui font un vrai travail de relais, notamment en faveur de l’actualité du jazz en région que les rédactions parisiennes n’ont plus les moyens de couvrir (pour répondre à la crise, elles doivent dorénavant travailler avec des effectifs très réduits).

• Rien du tout sur le secteur privé ? 

Les petits lieux, clubs et autres salles de moins de 200 places, sont cruciaux pour diffuser le jazz et nouer le lien si particulier que les musiciens entretiennent avec le public, sans doute l’un des plus fidèles en matière de musique. Malgré cela, de nombreux établissements de ce type ont dû mettre la clef sous la porte ces dernières années, faute de pouvoir se maintenir dans un contexte économique trop rude.

- Maintenir les aides aux petits lieux de diffusion qui ne sont pas labellisés, mais qui font aussi un réel travail de programmation, d’aide à la création, de soutien aux artistes. Les musiciens et les publics sont nombreux, il faut veiller à ne pas réduire ces espaces de rencontre essentiels et maintenir un maillage du territoire équitable en termes d’offre culturelle. La forte diminution des cafésconcerts a déjà été très préjudiciable aux musiciens.

• Et sur la nécessité de trouver des nouveaux modèles ?    

- Sur le modèle du Cluster Paris Mix pour les musiques du monde (impulsé par le magazine Mondomix et avec le soutien de la Délégation à la politique de la Ville), création d’un cluster de collectifs de musiciens de jazz avec mutualisation de l’emploi. Si elle en avait les moyens, l’UMJ pourrait sans doute abriter cette pépinière. 

- Généraliser les dispositifs d’aide à l’emploi pour les petites structures, les clubs, les collectifs et les petits labels qui concourent à faire vivre le jazz et la diversité partout en France. 

- Soutenir et généraliser le dispositif de prise en charge de tout ou partie des cotisations sociales (qui sera expérimenté en Pays de Loire et en Aquitaine début 2012 par la « plate-forme cafés cultures » regroupant le SNAM-CGT, l’UMIH, les collectivités territoriales et la fédérations des cafés-cultures) en faveur des bars de moins de 200 places, grâce à un fonds financé conjointement par les collectivités locales.

• Un rapport du service public pour le service public qui préserve le statu quo ?  

La « création » est un mot qui revient souvent dès lors qu’on évoque le champ de la culture. Pourtant c’est un concept qui doit être reconsidéré quand il s’agit de l’appliquer au jazz, car il implique souvent la notion d’oeuvre nouvelle, écrite sur commande et qui présente tous les aspects de la modernité telle qu’elle est conçue dans l’imaginaire collectif, c’est-à- dire nécessairement en rupture avec la tradition, ésotérique et d’avant-garde. 

Or – et c’est là à nos yeux un point particulièrement important – le jazz et les musiques improvisées ne sauraient se conformer à cette vision restrictive pour la simple raison qu’elles ne cessent de revisiter le passé pour aller de l’avant. Ce constant aller-retour est une des caractéristiques qui fondent son identité. C’est pourquoi il ne faut surtout pas faire de hiérarchie entre la musique originale et la musique de répertoire, les deux propositions étant également valides et même souvent entremêlées. Le groupe de travail note un trop grand décalage entre les projets soutenus par l’Etat via les DRAC et la grande diversité des esthétiques à l’oeuvre en France, notamment sur le répertoire très riche de l’histoire du jazz.

Plus loin : 

Revoir les conditions d’attribution des subventions au sein des DRAC afin d’éviter toute forme d’ostracisme que la notion de « création » pourrait induire et s’assurer au contraire que toute la diversité du jazz en France soit relayée, de la musique de répertoire à la musique originale, sans distinction de styles. Pour ce faire, il est impératif que les musiciens soient représentés dans les comités d’experts.

• Quant à la question du public, elle n'a pu être évoquée car elle est bien trop vaste, et exigerait un rapport à elle toute seule. C'est ce qui est dit dans la conclusion. Quand on voit que des sociologues éminents planchent pendant plusieurs années sur la question sans être capable de remporter l'adhésion, on voit bien qu'il s'agit là d'un sujet bien trop complexe pour être traité en deux mois, temps qui nous était imparti pour la rédaction de ce document de travail.

Car il ne s'agit que de cela, comme il est explicitement écrit dans le rapport. C'est un rapport d'étape dont la vocation est d'ouvrir le débat et enclencher une dynamique. De même, il est clairement dit qu'il ne faut pas s'en tenir qu'au jazz concernant nombre de problèmes soulevés ici, mais bien à toutes les musiques de niches, celles qui ne trouvent plus de relais sur les grands médias qui ne se préoccupent que d'audimat, du public justement.

Et puis, la musique qui trouve son public n'a - par définition -  pas autant besoin d'être aidée que celle qui a plus de mal à exister sur les grands médias et je ne fais là aucune hiérarchie qualitative. Si c'est au seul public de définir ce qui est bon et ce qui doit exister, on prend le risque de passer à côté de musiciens et de propositions essentiels. Ceux qui passent leur temps à prêcher cette prétendue légitimé oublient qu'il n'y pas un mais des publics. 

Du reste, il est faux de prétendre que le public n'est pas mentionné dans le rapport. Il l'est à plusieurs reprises et notamment quand il s'agit de préserver les lieux où les échanges entre les musiciens et le(s) public(s) peuvent se faire. C'est à mon sens le meilleur service qu'on peut lui rendre ; Faire en sorte que les propositions soient de qualité, et que les lieux soient assez nombreux pour assurer ensemble la diffusion du jazz dans toute sa diversité. Quand la musique est bonne, que les lieux sont accueillants et ont une belle programmation, le public vient.

En ce qui concerne ce rapport et la journée de présentation et de débats que nous voulons organiser, une date est en train de se confirmer, le 19 mars, et un lieu, la Maison de la Poésie à Paris. Mais ça reste encore à confirmer.

TÉLÉCHARGER LE RAPPORT. 

Commentaires

  1. L'argument qui consiste à affirmer que les artistes se moqueraient des publics, ne chercheraient pas à en convaincre le maximum est malheureusement très souvent utilisé dès lors que ceux ci se permettent de prendre la parole... Que ne l'ai je entendu des centaines de fois ! A chaque fois j'ai répondu la même chose, à savoir qu'à ma connaissance la base même de notre quête en tant qu'artistes est bien de convaincre le plus grand nombre !
    La séduction du public est donc bien évidemment la préoccupation majeure d'un artiste au même titre que le développement d'un projet artistique.
    Mais attention à ce que signifie séduire : il est aussi possible de séduire avec du bling bling (on en a eu la preuve ces 5 dernières années !) de la démagogie ou du populisme, on peur soit faire appel à ce qu'il y a de plus vil, soit faire appel à ce qu'il y a de plus humain, de plus sensible, de plus intelligent chez chacun.

    Mais pour parvenir à toucher le plus de public possible encore faut-il que les diffuseurs, organisateurs fassent en sorte que nous puissions être en contact avec eux...

    Je ne compte plus le nombre de concerts pour ma part le nombre d'interventions, de créations, de projets que nous développons en vue de rencontre de nouveaux publics avec nos propres structures (par obligation) et en dehors des clubs de jazz et autres scènes dédiées au jazz et aux musiques improvisées.

    A ce que je sache ce ne sont pas les directeurs de clubs de jazz ou autres scènes qui vont jouer en bas des cités, dans des établissements scolaires de tous types, dans des écoles de musique, dans la rue, etc.... Ce sont bien des artistes qui sont sur le terrain et qui font que des publics continuent à être sensibilisés à ces musiques.

    Ne nous laissons pas enfermer dans des stéréotypes, il y va de notre survie.
    Bruno Tocanne

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  2. Bonjour,



    Il y a un moment que je n'avais pas été sur le site ....et qu'elle n'est pas ma surprise !!!....qui en fait n'en est pas une....Vidal à nouveau à la rescousse des "marchés" de la culture...contre le service public et ses nauséabondes subventioins...à l'origine de la situation catastrophique actuelle...et le public...parlons en du public que Vidal nous présente essentiellement comme un consommateur qu'il faut "brosser dans le sens du poil"....offrons lui ce qu'il attend....faisons lui plaisir.....ne parlons pas d'initiation, d'information, de dévellopement des sensibilités...Quelle place pour la création la dedans ?...pour l'innovation, pour la culture quoi ?...pour la prise de risque qui est rarement à la convenance des investisseurs privés....sauf lorsqu'il y a de l'argent à faire.....le jazz est une musique vivante, avec effectivement une histoire et un répertoire qui plonge dans ses racines...on est en pleine période électorale et je demande à Vidal d'être attentif dans le choix de son vote....le monde (du jazz entre autre) pourrait changer de base !!...



    JPBAILAY

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  3. Merci Jean-Paul pour ce commentaire bienvenu.

    Pour aller dans le même sens, voici une belle démonstration de la nécessité de préserver un engagement de la puissance publique sur la culture en un petit film très didactique :

    http://www.lemonde.fr/culture/video/2012/03/09/la-parabole-des-tuileries-ou-pourquoi-l-economie-de-la-culture-a-ses-propres-regles_1655765_3246.html#xtor=EPR-32280229-

    et une explication plus détaillée de ces concepts par Françoise Benhamou (spécialiste mondiale de l'économie de la culture).

    http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/03/09/la-culture-plus-on-la-consomme-plus-on-a-envie-d-en-consommer_1655773_3246.html

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