A-Ha, c'est pas drôle

En pleine saison 2022 des festivals —célébrés pour leur capacité à rassembler un public en manque de contact et de partage après des années de pandémie— c'est pour certains d'entre nous, la consternation qui domine. La déliquescence des réseaux de diffusion —si souvent dénoncée ici depuis 2011— continue de détruire le lien qui unissait jadis un public nombreux avec un jazz acoustique fidèle à ses origines afro-américaines et aux échanges improvisés. Si ce désastre se constate sur les ondes et dans les lieux habituellement dédiés au jazz, c'est particulièrement vrai dans les festivals qui sont pourtant la vitrine la plus visible de ce genre musical. 

Je traduis ici un billet Facebook (posté en anglais) de mon ami Sandro Zerafa (plusieurs fois invité dans ce blog, ici et ). En plus d'être un merveilleux guitariste, compositeur et pédagogue, il est aussi le programmateur avisé du Malta Jazz Festival, véritable gardien d'une esthétique de plus en plus sacrifiée sur l'hôtel du profit et de la surenchère. La pertinence de ses propos me commande de tirer ce blog du long silence dans lequel il est plongé. Une lassitude, l'impression d'avoir trop souvent répété les mêmes choses sont sans doute à l'origine de ce hiatus. En plus de sa vision et de son courage, je remercie Sandro d'y avoir mis un terme.

Encore un nouveau coup de gueule.

Rien de nouveau.
Mais, est-ce la nouvelle norme ?
En regardant la programmation de certains festivals majeurs cet été, je n’ai pas pu m’empêcher de noter que ce qui avait commencé il y a une trentaine d’années —une tendance que nous avons doucement et complaisamment acceptée pendant que nous étions trop occupés à liker nos posts Facebook— est désormais devenue une triste et pleine réalité.
Surfant sur la rhétorique du « jazz en perpétuelle évolution » et du mantra « le jazz est mort », misant clairement sur le « bankable » plutôt que sur la qualité, exploitant le fait que le temps de concentration du public a été érodé par des heures passées sur les écrans, le cerveau lobotomisé par les vidéos Instagram, portés par des médias en manque croissant de discernement, et plus important encore… étant complètement ignorant de l’histoire de cette musique, la plupart des programmateurs de jazz ces derniers temps ont toujours moins de place à accorder au jazz dans leurs festivals. 
Bien sur, ils continueront de lancer ça et là quelques noms de musiciens de jazz pour légitimer leur appellation « festival de jazz ».
C’est triste.
Peut-on imaginer Joe Henderson jouer Stella by Starlight aujourd’hui devant un public de 3000 personnes ?
Ne doit-on pas accepter le fait que la majeure partie du jazz n’est intrinsèquement pas compatible avec des festivals toujours plus gros ?
Ces festivals ne devraient-ils pas occuper moins de place dans l’écosystème du jazz ?
Et enfin, qu’est-ce que A-Ha vient foutre dans un putain de festival de jazz ?

Sandro Zerafa

Plus bas, le dernier disque de Sandro avec les magnifiques Vincent Bourgeyx, Yoni Zelnik et Antoine Paganotti (si vous ne les connaissez pas, c'est une illustration de plus du désastre dénoncé plus haut).

Commentaires

Articles les plus consultés